Valérie Rousseau
Thérapeute psychocorporel en Gironde

Le deuil moderne : la traversée d'une souffrance tue


traverser du deuil

Le mot deuil tire ses racines du mot douleur, le deuil exprime donc une souffrance , une affliction, une grande peine.

 

Le deuil était autrefois démonstratif. On portait le deuil à travers des signes extérieurs qui témoignaient de notre douleur, mais aussi de la considération que la personne attendait des autres. Puis ces marques extérieures ont disparu progressivement, comme pour faire oublier que le deuil existe dans notre quotidien, tout autour de nous, et avec lui la mort.

 

Aujourd'hui, il est devenu un sujet discret, caché, honteux, Il se vit le plus souvent dans le silence ou les cabinets de psy. La personne endeuillée n'ose pas montrer sa peine, l'exprimer publiquement. Le deuil fait peur , on craint de l'attraper un peu comme une maladie contagieuse.

 

Dans une société où règne la tyrannie du bonheur, où il est bon de se montrer gai, enthousiaste, combattif,  "vivre un deuil" est mal vu, voir considéré presque comme une maladie.

La société pathologise le deuil en proposant à ceux qui souffrent de se placer sous la protection d' "une camisole chimique" pour ne pas sentir, pour ne pas éprouver sa peine.

 

Or le deuil doit se vivre , se traverser comme une épreuve. Le deuil d'ailleurs est au-delà de la perte d'un proche, Il peut s'agir d'un deuil symbolique: relation, travail, lieu de vie, entreprise, projet. La vie est faite de ces multiples deuils qui nous amènent à renoncer pour avancer, à accepter pour croître.

 

Depuis quelques années , des psychologues et psychiatres se sont intéressés au "travail de deuil " et on définit un parcours , des étapes qui se retrouvent dans tous les chemins de deuil. Même si le parcours n'est pas linéaire et que chaque passage d'une étape ne signifie pas que celle-ci est totalement terminée, cette évolution intérieure que vit la personne endeuillée est nécessaire pour passer d'une forme de déstructuration à une restructuration intérieure.

 

En effet, Le deuil démarre toujours dans une souffrance qui s'exprime corporellement.

La première étape le déni procure une anesthésie nécessaire . Le cerveau dans un sursaut de protection nous coupe de nos émotions, Cela peut être utile pour faire face à la situation. Puis la réalité s'impose peu à peu, la perte, la rupture est là, impossible de le nier. Alors s'enchaine le tumulte  des émotions de peur, de colère de frustration, de marchandage et de négociation. On en veut à la vie, à soi-même , aux autres, on recherche des coupables. Il y a une forme de déstructuration qui nous affaiblit, qui nous épuise. Le mental tente de comprendre, d'apporter des réponses rationnelles à laquelles il peut se rattacher. Mais rien ne permet de revenir en arrière. La personne en deuil ressent une profonde impuissance et perte de contrôle.

 

Elle rentre alors dans une nouvelle phase, celle de la tristesse, pouvant aller jusqu'à la dépression.

Il n'est pas possible de dire à quel moment on rentre et sort de cette étape . De quelques jours à quelques mois selon la gravité du deuil. Cette phase est souvent la plus longue et la plus douloureuse, La personne est au fond du puits, au plus bas de son élan vital. Les risques de sombrer dans une pathologie physique ou psychiatrique sont forts et le passage à l'acte suicidaire important.

Bien-sûr l'environnement , le soutien et les croyances qui sont les siennes vont contribuer à soutenir l'individu en souffrance. Parfois, un apport médicamenteux type antidépresseurs est nécessaire , mais il peut aussi retarder le processus de deuil.

Ce dernier a été comparé par le Dr Christophe Fauré, psychiatre et spécialiste sur le deuil, a un processus de cicatrisation. La perte est une forme de coupure qui a besoin de cicatriser. Selon la profondeur  et la gravité, la cicatrisation prendra plus ou moins de temps. Selon les ressources du corps et la capacité du système immunitaire à réparer, la plaie se refermera plus ou moins vite.

 

Pourtant un jour, de manière très progressive, peut-être juste quelques minutes,  un élan de vie refait surface.

On peut imaginer qu'après avoir marché longtemps dans un long tunnel noir et obscur, un point lumineux apparait tout au fond. Bien-sûr , à l'intérieur tout reste très sombre mais un espoir renaît.  La pulsion de vie de la personne comme une petite flamme intérieure repart, grandit et va attirer l'endeuillé vers de nouveaux chemins, de nouveaux projets.

En effet, cette épreuve marque définitivement la personne comme une cicatrice laisse une trace visible sur le corps . On n'oubliera ni la personne disparue, ni l'attachement perdu, mais cette relation aura évolué vers un lien plus intériorisé. Cette phase de reconstruction , de restructuration peut conduire la personne à changer de métier, de relation, de croyance. Cette épreuve peut faire grandir la personne émotionnellement, et surtout spirituellement.

Nous traversons tous des deuils plus ou moins grands, plus ou moins graves, dont le premier est celui de la naissance et le dernier celui de notre propre mort.

Aujourd'hui, avec la crise actuelle à la fois sanitaire, sociale et économique, nous vivons une grande période de deuils. Non seulement  l'accroissement des décès, l'explosion de la mortalité a plongé de nombreuses familles dans la perte d'un proche , mais aussi l'arrêt économique de certaines activités a créé des deuils personnels liés à son emploi, à son entreprise , à ses loisirs, et même à ses valeurs.

 

Après le déni, la peur et la colère, nous voyons de nombreuses personnes sombrer dans la tristesse, l'angoisse et la dépression.  L'espoir d'un renouveau, d'un nouvel élan vital permet de continuer à avancer pour construire peut-être une société meilleure, un monde plus harmonieux, pour donner du sens à ce deuil collectif.

En regardant en face toutes les épreuves de deuil que la vie nous envoie, en les digérant émotionnellement , en les acceptant , en les transcendant nous accueillons notre dimension humaine dans toute son incertitude , dans toute sa vulnérabilité, mais aussi dans toute sa force de résilience.

 


 

 

 


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